Le projet SILICOSIS (ERC, CEE de Sciences Po) questionne le rôle des particules inorganiques dans la survenue de plusieurs maladies systémiques. L’histoire et la sociologie des sciences montrent que des pistes de réflexion biomédicales ont été durablement écartées, lorsque (dans l’entre-deux-guerres) la silicose a été définie comme une pneumoconiose provoquée par la silice cristalline, affectant principalement les mineurs de fond. Dès 1915, des données statistiques montraient pourtant que des expositions à la silice cristalline peuvent intervenir dans des pathologies éventuellement non pulmonaires, et éventuellement aussi par des voies non aériennes d’exposition (cutanéo-muqueuses en particulier). Après le 11 septembre 2001, ces indices ont été réactivés par le suivi médical de cohortes de sauveteurs et ouvriers ayant participé au déblaiement du site du World Trade Center. L’incidence de la sarcoïdose et de diverses maladies auto-immunes fait notamment l’objet de recherches. Sur ces bases, SILICOSIS a développé un questionnaire conçu pour mesurer l’exposome minéral sur la durée entière de la vie, dans des contextes professionnels et extra-professionnels, ainsi que les possibles corrélations entre ces expositions et la survenue de diverses maladies systémiques avec une attention particulière pour la sclérodermie systémique, le lupus systémique, la polyarthrite rhumatoïde et les autres connectivites apparentées. En 2014, ce questionnaire a été mobilisé auprès de 825 personnes.

Au sein du dispositif global de SILICOSIS, ce questionnaire a été porté par ELIPSSilice, enquête statistique en population générale échantillonnée dans la base du recensement en continu par l’INSEE. Sa passation est réalisée sur tablettes auprès du panel ELIPSS (CDSP de Sciences Po, Équipex DIME-SHS Quanti). La taille de l’échantillon et son tirage permettent un cadrage statistique inédit sur la prévalence des expositions à des particules inorganiques–et à des particules de silice cristalline de manière particulièrement détaillée–en milieux professionnel et non professionnel.

Nous présenterons la méthode (1) de quantification de ces expositions par un score et (2) de questionnement des maladies chroniques (sclérodermie systémique, lupus systémique et autres connectivites, polyarthrite rhumatoïde, fibrose pulmonaire idiopathique, sarcoïdose, etc.). Nous montrerons comment les niveaux de score d’exposition calculés pour la population qui déclare « ne pas avoir ou n’avoir jamais eu » (n=638) une de ces maladies sont significativement plus bas que pour les personnes déclarant « en être ou en avoir été déjà atteintes » (n=187) (test de Wilcoxon=67 672,5, p=0,005099). Nous présenterons en particulier le rôle spécifique que tiennent les expositions professionnelles, dans l’ensemble des expositions déclarées.

L’écart significatif des expositions à des particules inorganiques entre « malades » et « non-malades » ne suffit pas à interpréter la survenue des maladies de système comme « causée » par une ou quelques expositions spécifiques, mais ouvre de nombreuses pistes parmi lesquelles : (1) une invitation à renouveler et approfondir l’interrogatoire des patients pour ce qui concerne leurs possibles expositions professionnelles et environnementales ; (2) une analyse croisée des données (par appariement sur le sexe, l’âge et le statut tabagique) d’une telle enquête en population générale avec des données spécifiquement recueillies, avec le même questionnaire, auprès de cohortes de patients diagnostiqués comme ayant une des maladies systémiques d’intérêt.